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96 HEURES QUI DERAILLENT
10 juillet 2009

ON NE REND PAS LES COUPS (article de Benjamin l'épicier)

"(...) "Il y en a, a-t-il rajouté, qui ont choisi de porter des capuches et des tee-shirts "nique la France", d'autres qui ont choisi de porter l'uniforme, de défendre les valeurs de la République". "Les faits sont extrêmement graves mais dans leur démonstration ils sont extrêmement simples", a estimé le procureur, réfutant les critiques sur l'insuffisance des charges dans un dossier sans preuves matérielles, construit en large partie sur les dénonciations réciproques entre suspects."

(Propos du procureur lors du procès de 10 présumés émeutiers de Villiers-le-Bel retranscrits dans un article du Monde du 4 juillet).

Le premier acte de la grand messe cathartique qui tiendra lieu de procès aux émeutes de Villiers-le-Bel en novembre 2007, vient d’avoir lieu.

Les procès des émeutes urbaines doivent être exemplaires. Les « évènements » de Villiers-le-Bel comme de Clichy-sous-Bois sont des exemples pour la jeunesse des banlieues et bien au-delà. Il faut en étouffer la portée.

Faire bien comprendre à tout le monde qu'en République non plus on ne peut pas rendre les coups.

Un procès exemplaire.

Celui qui vient de se dérouler, les 3 et 4 juillet au Tribunal de Pontoise n'est qu'une mise en bouche. Il ne s'agit encore que de cailloux et de bouteilles lancées sur les unités anti-émeutes durant les deux soirées d'affrontements qui ont suivi la mort de Lakhami et Moushin (13 et 14 ans) dans une collision troublante avec une voiture de police.

On prépare le clou du spectacle pour l'automne.

On fera alors le procès, aux assises, de cinq jeunes hommes accusés d'avoir utilisé des armes à feu contre les policiers anti-émeutes.

"Une centaine de policiers blessés" selon la préfecture de police.

Et plus de soixante-dix agents des forces de l'ordre en partie civile contre les cinq de Villiers. Ce procès comme souvent dans ce genre de contexte n'est pas celui des faits.

Personne n'est en mesure d'établir qui tenait les armes à feu au cours des évènements. Personne.

Les cinq jeunes hommes, dont quatre sont toujours en détention préventive (depuis février 2008) ont été appréhendés puis incarcérés sur la base de témoignages sous-x, plusieurs semaines après les faits. Ces témoignages sous-x la police les a obtenus après plusieurs semaines d'enquête infructueuse. Après aussi la grande perquisition-spectacle qui avait vu le quartier encerclé à l'aube par plus de 1200 policiers en armes, et 35 arrestations télévisées, qui n'avaient rien donné ou presque. Elle les a obtenus en distribuant, dans chaque boîte aux lettres du quartier, des appels à délation assortis de la promesse d’une protection à témoin sous-x et d'une "forte récompense" (on imagine aisément le type de règlements de comptes que cela peut susciter, la police n'a d'ailleurs plus réitéré l'expérience des "récompenses" depuis...).

Hors ces témoignages sous-x rien ne vient étayer la pertinence de cette liste de noms. Elle va pourtant servir à une des grandes mise en scène judiciaire de la Sarkosie.

 

Ce dont on va faire le procès d’ici à la fin de cette année, c'est bien donc de la possibilité même de rendre les coups. Car entendons nous bien, une nuit d'émeute d'une telle intensité ne répond pas seulement à la mort de deux jeunes adolescents. Elle répond à des années de gestion néo-coloniale de certains quartiers, aux brimades, aux contrôles quotidiens, aux gardes à vue abusives, aux blessures, aux abattages aléatoires...

En 2005, l'actuel président a multiplié des appels à la guerre à peine voilés.

Il a placé la relation des autorités aux jeunesses des quartiers populaires sur le plan de la guerre.

Il a doté la police de moyens pour mener une telle guerre (équipements de corps, flash-ball, tazers, drones, hélicoptères et véhicules équipés d'halogènes tournants). Les policiers ont été systématiquement galvanisés en ce sens, tant par sa gestuelle hystérique à lui que par les grimaces autoritaires d'une MAM, qui n’a cessé de leur envoyer des fleurs pour flatter leur "professionnalisme".

La doctrine Sarkozy a définitivement fait de la police et de la gendarmerie un parti. Son parti. Restructurations, remontrances et mots doux y prennent les mêmes traits que dans sa relation à son autre parti, et la même efficacité.

Ce procès à venir, c'est la tête du jeune-rebelle-de-banlieue-inconnu apportée sur un plateau aux syndicats de police qui réclament vengeance ET impunité.

La punition "exemplaire" qu'on demandera à la magistrature d'énoncer, dira aussi à tous:

"On ne rend pas les coups!"

Les évènements de Villiers-le-Bel, comme ceux de Clichy-sous-Bois valent au delà d'eux mêmes, ils sont chargés de sens, pour le pouvoir, pour la police, pour les jeunes des quartiers populaires mais aussi pour l'ensemble de la jeunesse de ce pays qui, de diverses manières, a pris en pleine gueule la gouvernance Sarkozy (qui n’a sans doute de nouveau que le style et le franc-parler). Celle-là même qui l'a officiellement désignée comme figure potentielle de l'ennemi. Clichy-sous-Bois avait résonné partout et longtemps, jusqu’au cœur des manifestations anti-CPE, Villiers-le-Bel n’a pas fini de résonner, malgré les procès et les diatribes du parti de l’ordre.

La question qui se pose à nous, public récalcitrant, n'est pas tant de oui ou non soutenir tel ou tel acte, ni de savoir si ce sont ou non des "innocents" qui vont être jugés, elle est de reconnaître que ces évènements se situent dans le cours d'une guerre ouverte, déclarée par le gouvernement lui même. Elle est de refuser ou non de baisser la tête au moment où on s'apprête à en pendre quelques-uns, pour l'exemple.

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